
EDITO
Dans toutes les sociétés et à toute époque, le « voilé » est situé à l’intersection du corps individuel et du corps social. A travers le « dévoilé », c’est une certaine façon de regarder le corps des femmes qui s’exprime. La question du regard, qui ne peut s’envisager en dehors d’un contexte d’éducation, est essentielle sur le sujet. Le « voilé » est lié à une société donnée, aux évolutions de la notion de pudeur ou de bienséance dans cette société, aux oppositions de comportement entre la ville et la campagne, entre « actives » et « oisives ». Le « voilé » dévoile les obsessions d’un pouvoir, d’une société et d’une époque.
Le voile n’existe pas dans la tradition vestimentaire occidentale, à condition d’oublier la figure de la Vierge Marie (tradition orientale), le voile des mariées et l’étole des offices catholiques il y a quelques décennies. Pour autant, les paysannes du XIXe siècle portaient encore la coiffe et une femme « honnête » ne sortait pas « en cheveux » vers 1900, la bourgeoise portait un chapeau et sa robe descendait aux chevilles, avant que la modernité n’impose une libération des corps et des esprits. En 1920 encore, la paysanne polonaise migrante ne sortait pas de sa maison sans son foulard. En terre d’islam, le voile fait écran aux désirs des hommes. Dans la sphère publique, la femme musulmane qui ne se voile pas revendique donc sa liberté de penser et sa volonté d’égalité avec les hommes. Ce n’est pas un geste anodin, mais un choix politique.
Dominique Renaux