EDITO : BANLIEUES CARAÏBES
Comme dans les banlieues populaires métropolitaines, le peuplement des Antilles s’est constitué dans un déplacement massif de populations diverses qui ont dû inventer les modalités de leur cohabitation après l’abolition définitive (1848). Sans occulter l’inhumanité de la déportation et de l’exploitation esclavagiste, c’est principalement sur les migrations du dernier siècle de l’esclavage aux Antilles françaises ainsi que sur l’adaptation de la société au salariat que se concentre notre regard dans ce dossier. La mise en place de ces migrations de travail préfigure, d’une certaine façon, la diversité du peuplement des banlieues populaires alimentant le bassin d’emploi parisien dès les années 1880 ; avec les développements que nous lui connaissons et dans lesquels la migration antillaise, et ses enfants nés ici, est largement présente. Ces enfants nés ici justement, qui ne se réfèrent souvent qu’au seul modèle de l’esclavage pour arrimer une identité blessée qui se construit dans l’expérience des discriminations feutrées
contemporaines. Ces jeunes qui méconnaissent souvent la complexité historique, les luttes collectives, la diversité des parcours individuels qui fondent la société antillaise présente. L’affirmation : « On était bien tranquille dans nos îles et les Français sont venus nous coloniser ! » émise par un collégien lors d’un débat centré sur les identités et unanimement agréée lors d’ateliers d’écriture menés avec des troisièmes au collège Jean-Lurçat de Sarcelles et au
collège Martin-Luter-King de Villiers-le-Bel, justifie le présent dossier. Poursuivant notre exploration des archives familiales, c’est une iconographie décalée qui nous permet de rendre compte d’un regard porté sur les Antilles, principalement au travers d’illustrations des magazines et d’une imagerie destinée aux enfants, comprises entre 1850 et 1950.
Dominique RENAUX